La Réparation des Dommages Causés Aux Détenteurs des Droits Fonciers du Fait des Exploitations Minieres: Réflexion à Partir de Textes Camerounais

JurisdictionSouth Africa
Pages48-81
Date16 August 2019
Published date16 August 2019
Citation(2016) 3(1) Journal of Comparative Law in Africa 48
AuthorJules Goudem
LA RÉPARATION DES DOMMAGES CAUSÉS
AUX DÉTENTEURS DES DROITS FONCIERS DU
FAIT DES EXPLOITATIONS MINIERES:
RÉFLEXION À PARTIR DE TEXTES
CAMEROUNAIS
JULES GOUDEM
Docteur de 3
e
cycle et Docteur/Ph.D. en droit privé, Chargé de cours, Université de
YaoundéII (Cameroun)
Les mines font partie des domaines où le législateur national a très tôt légiféré. Malgré leur
érection au rang des secteurs prioritaires reconnus facteurs du développement, le problème
de la prise en compte des droits du détenteur de la terre incluse à un périmètre minier
demeure crucial. Les présents travaux montrent que la réparation des dommages subis du
fait d’une exploitation minière par les détenteurs de droits fonciers ou d’occupation
victimes d’incorporation est inadéquate au regarddes expériences étrangères telles que celles
canadienne et congolaise, notamment. En revanche, la réparation des dommages subis par
des expropriés en la matière est parfois adéquate. Toutefois, ce n’est d’emblée pas le cas
dans le domaine des exploitations minières non précédées d’expropriation ou
d’incorporation. À cette réponse partielle à la question de savoir si le nouveau Code minier
camerounais satisfait toutes les victimes desdites exploitations s’ajoute le fait que les
garanties juridictionnelles des droits des victimes connaissent, en la matière, des
f‌lottements que la prochaine réforme minièredevrait supprimer.
Mining is one sector where the national legislator legislated early. Despite the fact that
mines are considered priority areas as factors for development, the problem of taking into
account the rights of landowners within the mining areas remains critical. This article
shows that compensation for damages suffered by land rights holders due to mining
activities is inadequate with respect to certain foreign experiences, in particular the
Canadian one. On the other hand, compensation for damages of the same kind suffered
by those who have been expropriated is sometimes appropriate. However, this is not the
case for mining operations that have not been preceded by expropriation or incorporation.
The law recognises the right to signif‌icant compensation for victims, even if judicial
guarantees may be subject to uncertainty, which the next reformsshould eliminate.
Mots clés: mines, législateur, dommages, détenteurs de droits, Code minier
camerounais.
Introduction
Les mines sont des gîtes de toutes substances minérales non classées,
relativement à leur régime, dans les carrières.
1
Elles sont enfouies dans le
sous-sol. Selon l’article 6 (1) du Code minier camerounais (ci-après, CMC),
1
V.article (ci-après, art. ou Art.) 3, Code Minier Camerounais (ci-après, CMC),
loi n° 001 du 16 avril 2001 portant Code minier, modif‌iée par la loi n° 2010/011 du
29 juillet 2011 modif‌iant et complétant certaines dispositions de la loi n° 001; décret
(ci-après, déc.) n° 2002/648 du 26 mars 2002 f‌ixant les modalités d’application de la
loi n° 001 (précitée).
48
(2016) 3(1) Journal of Comparative Law in Africa 48
© Juta and Company (Pty) Ltd
leur propriété est différente de celle du sol
2
et elles constituent, en droit
congolais, le patrimoine minier national.
3
Elles sont et demeurent propriété
de l’État régie par la législation nationale,
4
même dans d’autres État qui ont
institué une gestion minière très décentralisée et peu respectueuse de « droits
de la personne ».
5
L’on trouve les mines au sous-sol du domaine des particuliers, du domaine
national, de celui de l’État ou des autres personnes morales de droit public et,
au Canada, au sous-sol des « réserves indiennes ».
6
En ce qui concerne leur
localisation éventuelle au domaine des particuliers, l’article 552 du Code civil
camerounais
7
la prévoit en disposant que le propriétaire du sol peut tirer
des fouilles de son sous-sol tous les produits que peut fournir ce dernier, sauf
les modif‌ications résultant des lois et règlements relatifs aux mines.
8
L’appropriation absolue de celles-ci par l’État lui confère la prérogative
d’exercer, selon l’article 6 du CMC, « des droits souverains » ou régaliens sur
l’ensemble de son territoire.
De ce fait, les mines appartiennent à l’État. Mais le code, en son article 8,
permet à toute personne physique ou morale, quelle que soit sa nationalité,
d’entreprendre ou de conduire une activité régie par ce code, sur les
domaines étatique et national. Cependant, il ne le permet qu’à condition,
pour l’opérateur minier, d’obtenir préalablement un permis de reconnais-
sance ou un titre minier.
Plus précisément, la propriété des mines, selon l’article 6 (1) du CMC, est
distincte de celle du sol. En effet, alors que ces substances sont et demeurent
la propriété de l’État, le sol appartient à son propriétaire jusqu’au jour où, à la
2
Art. 6, CMC; Claire Levacher, « Règlementations minières relatives aux
peuples autochtones » du Canada, GITPA? Novembre?2011, p. 1, www.gitpa.org/
web/Code%20Minier%20. Consulté le 2 octobre 2014.
3
Art. 11, al. 1, CM congolais (loi n°4-2005 du 11 avril 2005 portant code
minier).
4
Art. 6 (2), CMC de 2001; Art. 3, Code Minier (ci-après, CM) sénégalais; art. 3,
CM malien de 2000 (pour l’adoption du nouveau Code minier malien, v. (S.) Studer
– www.leblogf‌inance.com — février 2014; art. 4, CM de 2000; art. 2, CM ivoirien
de 1995; art. 3, alinéa, CM guinéen de 2011.
5
C’est le cas du Cameroun (Valerie Lesigha Buma, Mining implications on the
environment and local communities under Cameroonian law case study of Batouri and Betare
Oya, a dissertation for the award of a Master in International Relation, Internal
Relations Institute of Cameroon, Yaoundé, 2014, pp. 37 et s. Selon un auteur, « En
matière de droits de la personne, le Canada ne reconnaît pas d’obligations aux très nombreuses
sociétés minières enregistrées ou cotées chez elles. Or, 60% des sociétés minières du monde sont
canadiennes ». En outre, il a dénoncé, en décembre 2011, le « protocole de Kyoto sur la
limitation des émissions de gaz à effet de serre, auquel elle avait pourtant adhéré ». Lire
Delphine Abadie, Le Canada, paradis judiciaire de l’industrie minière, www.ledevoir.
com/.../le-canada-paradis-judiciaire, 27 avril 2009. Consulté le 2 octobre 2014.
6
Levacher, ibid.
7
Gaston-Jean Bouvernt et Réné Bourdin, Codes et lois du Cameroun, tome II,
IMPRIMERIE Coulouma, Yaoundé, 1956.
8
Voir (ci-après, v. ou V.) art. 10, al. 1° et 3° de l’ordonnance (ci-après, ord.) n°
74/1 du 6 juillet 1974 f‌ixant le régime foncier.
LA RÉPARATION DES DOMMAGES CAUSÉS AUX DÉTENTEURS 49
© Juta and Company (Pty) Ltd
suite d’un texte de déclaration d’utilité publique, le gouvernement exproprie
ce sol à son propre prof‌it, comme on le verra ci-après. En revanche,
lorsqu’elles sont régulièrement concédées, extraites du domaine privé de
l’État, elles appartiennent au concessionnaire ou exploitant minier. Ce n’est
pourtant pas le cas en matière de carrières, car celles-ci sont réputées liées à la
propriété du sol et en suivent le régime.
9
Ce gouvernement peut donc faire
acquérir des substances minérales par des personnes autres que l’État, les
propriétaires du sol et même les détenteurs de droits fonciers coutumiers ou
d’occupation. Mais, ces personnes ou tiers ne peuvent le faire que dans le
respect des textes en vigueur et tel que l’exigent les dispositions du CMC
relatives à la protection de l’environnement. Elles doivent exécuter leurs
obligations dont la réparation des dommages causés aux propriétaires et aux
détenteurs de droits fonciers ou d’occupation.
Pour bien appréhender ce thème, c’est-à-dire « La réparation des dommages
causés aux détenteurs de droits fonciers du fait des exploitations minières:Réf‌lexion à
partir de textes camerounais », il convient de déf‌inir au moins, préalablement et
malgré le fait qu’ils ne f‌igurent pas tous à l’intitulé de ces travaux, — les
concepts des « dommage », « détenteur », « opérateur minier »droits fonciers »,
«droits immobiliers », « autorisation d’exploitation artisanale », « permis
d’exploitation » et « exploitations minières » —, parce qu’ils y seront largement
utilisés.
Le terme « dommage » est synonyme de préjudice dans l’usage régnant. Il
désigne l’atteinte subie par une personne dans son corps (dommage cor-
porel), son patrimoine (dommage matériel, économique) ou dans ses droits
extrapatrimoniaux (atteinte à l’honneur). Cette atteinte ouvre, à la victime,
droit à réparation du dommage (dommage réparable) subi lorsque celui-ci
résulte soit de l’inexécution d’un contrat, soit d’un délit dont un texte ou les
tribunaux imposent la charge à une personne.
10
Le mot « détenteur » vient du terme « détention » qui signif‌ie possession,
conservation. Dans son sens restreint, la détention est le fait d’avoir une
emprise, en vertu d’un titre, sur un bien appartenant à autrui. Dans son sens
large, elle est l’emprise matérielle sur un bien, indépendamment du titre qui
pourrait la justif‌ier. C’est le pouvoir de fait sur une chose, le fait d’en avoir la
maîtrise effective, le corpus ou la détention matérielle; peu importe que ce
pouvoir soit exercé par le propriétaire de la chose, un possesseur
11
ou un
9
Art. 7, CMC.
10
Cornu (G.), Vocabulaire juridique, Presses Universitaires de France, Paris, 2005,
vos Dommage et Préjudice.
11
Le concept de possesseur s’entend aussi de collectivité coutumière ou de son
membre. Ils occupent des terres non titrées. Ils en sont reconnus possesseurs en vertu
de l’art. 17 de l’ord. n° 74/1. Le décret d’application de ce texte exige comme
condition de la régularité de ces terres appelées « possessions foncières coutumières »ou
«tenures », leur occupation et/ou exploitation avant le 5 août 1974, date d’entrée en
vigueur de l’ordonnance.
JOURNAL OF COMPARATIVE LAW IN AFRICA VOL. 3, NO. 1, 201650
© Juta and Company (Pty) Ltd

To continue reading

Request your trial

VLEX uses login cookies to provide you with a better browsing experience. If you click on 'Accept' or continue browsing this site we consider that you accept our cookie policy. ACCEPT