Quelle Attitude Pour Les Législateurs Africains Face à La Montée (Irrésistible) de L’admission de la Gestation Pour Autrui (GPA)?

JurisdictionSouth Africa
Citation(2016) 3(2) Journal of Comparative Law in Africa 175
Pages175-199
AuthorSylvie Ngamaleu Djuiko
Published date16 August 2019
Date16 August 2019
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QUELLE ATTITUDE POUR LES LÉGISLATEURS
AFRICAINS FACE À LA MONTÉE
(IRRÉSISTIBLE) DE L’ADMISSION DE LA
GESTATION POUR AUTRUI (GPA)?
SYLVIE NGAMALEU DJUIKO
Enseignante à la Faculté des Sciences Juridiques et Politiques
Université de Yaoundé II (CAMEROUN)
Résumé: Face au désir légitime de descendance et au nom des libertés individuelles,
les êtres humains refusent de subir le sort de la nature en matière de procréation. Pour
cela, ils recourent de plus en plus à des techniques dont certaines sont susceptibles
de soulever des problèmes de plusieurs ordres, notamment d’ordre éthique, moral
et juridique. D’où l’intérêt de poser la question de leur légitimité. Parmi les
techniques ou pratiques concernées figure indiscutablement celle de la gestation pour
autrui (GPA). Encore appelée maternité de substitution ou pour autrui, la pratique
consiste pour des personnes voulant un enfant (parents d’intention) à recourir à une
femme qui accepte de porter et de mener la grossesse à son terme (mère porteuse)
et, ensuite, de remettre l’enfant à ses parents d’intention après l’accouchement.
Avec ce dépeçage de la maternité qu’entraîne la GPA, peut-on encore affirmer
que l’accouchement vaut reconnaissance ou que la maternité est toujours certaine
? Celle-ci n’est-elle pas devenue tout aussi incertaine que la paternité ? En effet,
de toutes les deux ou trois femmes ayant contribué au processus de « fabrication »
de l’enfant, laquelle doit-on considérer juridiquement comme étant sa mère : celle
qui a eu l’intention et le désir d’enfant, celle qui a donné ses ovules ou celle qui
a mené la grossesse ? Compte tenu de cette incertitude et des autres problèmes
susceptibles d’être soulevés par la GPA, n’est-il pas légitime de s’opposer à elle
? Si le présent papier répond par l’affirmative, il montre que cette opposition ne
serait pas suffisante et serait même injuste si elle n’était pas accompagnée d’autres
mesures pour lutter contre l’infertilité, atténuer la peine des personnes qui en sont
victimes et, surtout, pour accorder un statut aux enfants issus de la GPA. C’est
dire que la GPA n’appelle pas seulement une réponse juridique.
Mots-clés: Enfant – procréation - stérilité – gestation pour autrui –
légalisation – libertés et droits individuels – ordre public
– réification de l’humain – filiation
Faced with the legitimate desire of leaving a legacy and in the name of individual
freedoms, human beings refuse to suffer the fate of nature for procreation. To this
end, they rely increasingly on techniques - some of which are likely to raise problems
of several kinds; including ethical, moral and legal. Hence the importance of the
question of their legitimacy. The techniques or practices concerned undoubtedly
include surrogacy (GPA). This practice involves people wanting a child (intended
parents) using a woman who agrees to bear and carry the pregnancy to term
(2016) 3(2) Journal of Comparative Law in Africa 175
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(surrogate) and then returning the child to its intended parents after birth. With
this destruction of motherhood that the GPA entails, can we still say that child birth
is considered recognition or that maternity is always certain? Has it not become as
uncertain as paternity? Indeed, of the two or three women who contributed to the
process of “manufacturing” the child, which should be legally considered to be his
mother: the one who had the intention and the desire for children, the one who
donated her eggs, or the one who was pregnant? Given this uncertainty and other
issues that may be raised by the GPA, is it not legitimate to oppose it? While
this paper responds in the affirmative, it shows that this opposition would not be
sufficient and would be even unfair if it was not accompanied by other measures to
treat infertility, mitigate the punishment of victims, and above all, grant a status to
the children of the GPA. This means that the GPA does not only call for a legal
answer.
Keywords: child, procreation, infertility, surrogacy, legalization,
individual rights and freedoms, public policy, reification of
humans, filiation
Jusqu’à une période relativement récente, la procréation était regardée
comme le fruit d’une union sexuelle entre un homme et une femme.
Elle était alors charnelle. Cette conception classique semble néanmoins
de plus en plus dépassée car, pour diverses raisons1, certaines personnes
recourent de plus en plus à des modes alternatifs de procréation2. En effet,
avec le développement de possibilités techniques permettant de satisfaire
le légitime désir de maternité ou de paternité3 et l’intensification des
revendications de plus de libertés, les possibilités d’avoir un enfant à soi
ou pour soi se sont multipliées. Si le développement de ces nouvelles
techniques de reproduction (NTR) traduit certainement la prise en main
1 Aux raisons médicales (pallier l’infertilité ou éviter la transmission de maladies), s’ajoutent
aujourd’hui des raisons liées aux revendications de plus de libertés. Dans le domaine de la procréation,
les libertés individuelles ne s’exprimeraient plus essentiellement en termes de «refus d’enfant», mais
aussi de «droit à l’enfant».
2 Par opposition à la procréation sexuée considérée comme naturelle, ces modes sont dits
artificiels. Leur développement a donné naissance à un champ d’étude appelé procréatique. Lire
à ce sujet, Christian Byk, «Les enfants de la procréatique et le droit: disparités nationales et
harmonisation européenne», in Dossier consacré par les Petites Affiches aux lois de bioéthique du
29 juillet 1994, p. 49 et s.
3 Annie Lamboley affirme que « l’enfant à «tout prix» n’est plus un simple mythe, ni un pur
fantasme dans l’esprit de ceux ou celles qui s’en prévalent, mais tend à devenir une réalité et un droit
de plus en plus revendiqué» («L’enfant à tout prix. Le permis et l’interdit», in Mélanges Christian
Mouly, pp. 313 à 333, spéc. 313 et 314).
© Juta and Company (Pty) Ltd

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