Les Orientions du Législateur OHADA Dans L’auscgie Révisé

JurisdictionSouth Africa
Pages114-148
AuthorPatrice Samuela Badji
Published date16 August 2019
Date16 August 2019
LES ORIENTIONS DU LÉGISLATEUR OHADA
DANS L’AUSCGIE RÉVISÉ
PATRICE SAMUELA. BADJI
Agrégé des Facultés de Droit, UCAD
Le choix du législateur de l’OHADA est de rendre son droit attractif. Il l’a démontré à
travers plusieurs réformes entreprises. C’est ainsi que le droit des sociétés commerciales,
droit de la mondialisation, ne pouvait échapper à ce mouvement réformateur. En effet,
lorsqu’on parcourt l’Acte uniforme relatif au droit des sociétés commerciales et GIE révisé,
on se rend compte que le législateur essaie de dépasser les sempiternelles oppositions entre
plusieurs notions ou concepts et veut permettre une gestion inclusive et plus démocratique
de la société. Cependant, des manquements sont notés eu égard à l’ignorance des normes
de la RSE et des droits processuels des dirigeants et associés qui sont en conf‌lit soit avec la
société, soit avec les associés. Le constat est que ces manquements seront comblés lors des
prochaines réformes du droitdes sociétés.
The OHADA legislator has made a decision to make this law attractive, which has been
demonstrated through several reforms. Thus, corporate law, a law of globalisation, could not
escape this reform movement. Indeed, when browsing the revised Uniform Act relating to
Commercial Companies and GIE, it is clear that the legislator is attempting to overcome
the endless conf‌licts between several notions or concepts in an effort to allow inclusive and
democratic management of the company. However, shortcomings have been noted with
regardto a lack of knowledge of corporate social responsibility standards and procedural rights
of managers and associates who are in conf‌lict with the company or partners. The conclusion
is that these failures will be met in the next set of corporate law reforms.
Mots-clés: actionnariat salarié, gouvernance d’entreprise, liberté contractuelle,
mandataire ad hoc, OHADA, responsabilité sociale de l’entreprise,
sociétés commerciales.
Introduction
Aucun droit n’évolue en vase clos et ce depuis l’avènement de la mondialisa-
tion
1
et de l’inf‌luence réciproque des disciplines,
2
même si également
l’unif‌ication du droit (notamment du droit privé) est pour le moment
utopique. Cependant, chaque droit subit l’inf‌luence d’autres droits, ce qui
peut amener le législateur concerné à orienter son droit.
Le droit OHADA n’échappe guère à cette inf‌luence. En effet, depuis belle
lurette, un important mouvement de réforme du droit des affaires OHADA a
vu le jour en vue de faciliter l’activité juridique et s’adapter à son rythme.
3
Ces réformes entreprises, qui sont la préoccupation fondamentale des juristes
de l’espace OHADA, témoignent de l’adaptation du droit au fait qui se
1
V.Zaki Laidi, Mondialisation et droit, D.2007, p.2712.
2
V. L’analyse économique du droit (est-ce que le droit est performant?), la law
and management (les entreprises peuvent-elles tirer prof‌it du droit?), law and f‌inance.
Un auteur (Pierre de Montalivet, La «marketisation » du droit, Réf‌lexions sur la concur-
rence des droits,D.2013. P.2923) parle également de marketisation du droit.
3
F. Terre, L’entreprise française de rénovation des codes, RJPIC, n° 1, Janvier-Mars,
1966, p. 247.
114
(2016) 3(1) Journal of Comparative Law in Africa 114
© Juta and Company (Pty) Ltd
dérobe au f‌il des années.
4
On serait tenté de se poser la question suivante: en
reformant son droit des sociétés,
5
quelles orientations
6
le législateur OHADA
a-t-il pris? Celles-ci sont-elles conformes à la marche du monde?
De façon générale, l’orientation prise par le législateur OHADA est
l’attractivité du droit
7
en vue d’attirer les investisseurs. Ainsi, il s’avère
nécessaire de livrer aux lecteurs, sans prétendre à l’exhaustivité, les idées
forces des 920 articles de l’AUSCGIE révisé, de découvrir à travers ces
dispositions le f‌il conducteur de la nouvelle législation.
8
Une fois les orientations du législateur décelées, d’autres questions
s’imposent: n’a-t-on pas ignoré des questions importantes- ce qui est évident
vu l’immensité de la tâche et les dangers de vouloir tout prévoir
9
— d’où sa
probable amélioration. C’est dire que codif‌ier est un art diff‌icile
10
et qu’il n’y
a aucun droit des affaires f‌igé.
Les orientations s’inscrivent dans l’innovation et dans la consolidation.
11
Il
s’agit également d’une codif‌ication à droit constant,
12
d’une codif‌ication
4
F.Terre, op.cit., p. 245.
5
L’Acte uniforme relatif au droit des sociétés commerciales et du GIE a été
adopté le 30 juin 2014 à Ouagadougou et publié au Journal off‌iciel de l’OHADA le
04 février 2014.
6
L’orientation est déf‌inie comme «l’action de donner une direction déterminée,
une tendance » par le nouveau Petit Robert de la langue française, édition 2007.
7
V. Xavier Lagarde, Brèves réf‌lexions sur l’attractivité économique du droit français des
contrats, Recueil Dalloz 2005 p. 2745.
8
V. Pour une étude comparative, S. Guichard, Réf‌lexions critiques sur les grandes
orientations du Code sénégalais de la famille, Penant, 1978, p.176, n° 1.
9
On peut se remémorer la célèbre formule de Portalis (Discours préliminaire sur le
projet de Code civil, PP.6-8) un code doit se garder de «la dangereuse ambition de
vouloir tout régler et tout prévoir. . . Un code, quelque complet qu’il puisse paraître,
n’est pas plutôt achevé que mille questions inattendues viennent s’offrir au magistrat:
une foule de choses sont donc nécessairement abandonnées à l’empire de l’usage, à la
discussion des hommes instruits, à l’arbitrage des juges. . . L’off‌ice de la loi est de f‌ixer,
par de grandes vues, les maximes générales du droit; d’établir des principes féconds en
conséquences, et non de descendre dans le détail des questions qui peuvent naître sur
chaque matière. . . C’est au magistrat et au jurisconsulte, pénétrés de l’esprit général
des lois, d’en diriger l’application. . . ». Mais les questions sur lesquelles le législateur
OHADA ne s’est pas prononcé ne relèvent guère du détail et sont tellement impor-
tantes qu’elles nécessitent une intervention législative; ce qui n’exclut pas un inter-
ventionnisme judiciaire.
10
V.F. Terréet Anne Outin-Adam, Codif‌ier est un art diff‌icile (A propos d’un. . . «Code
de commerce »), D.1995. P.99.Pour ces auteurs, élaborer un code, c’est d’abord délimiter
les corps de règles destinés à y f‌igurer, ce qui signif‌ie: inclusions et exclusions.
11
Se contenter de recenser et de mettre en ordre les règles existantes, éparses, sans
aucune modif‌ication de fond pour reprendre l’expression de P.Poncera et P. Lacunes,
à propos des codes [Reformer le code pénal, ou est passé l’architecte?, collection, les voies
du droit, PUF 1998, p.23. ces auteurs établissent des principes de codif‌ication:
cohérence, complétude, absence de contradiction dans les solutions qu’il envisage,
clarté, maniabilité, publicité.
12
Notamment «réécrire les règles anciennes, utiles et appliquées quand elles sont
devenues diff‌icilement compréhensibles » (V.Marc Suel, Essai sur la codif‌ication à droit
constant, Précédents, Débats, Réalisation, 1993, p. 210)
LES ORIENTIONS DU LÉGISLATEUR OHADA DANS L’AUSCGIE RÉVISÉ 115
© Juta and Company (Pty) Ltd
d’imitation.
13
Ainsi, le mode de f‌inancement de la société anonyme a été
facilité avec les valeurs mobilières composées et subordonnées. De même, la
nullité a tendance à prendre le pas sur les clauses réputées non écrites. En
effet, une telle manière de procéder montre bien que, même si la société
résulte d’un acte de volonté, la théorie institutionnelle [révélée du reste par
l’article 1832 du Code civil] prédomine dans le droit des sociétés contempo-
rain.
14
En réalité, la liberté contractuelle est fortement restreinte par le
caractère impératif et détaillé des dispositions légales, au point que, pour lui
redonner vigueur, il a fallu instituer une autre forme de société, la société par
actions simplif‌iée.
15
En revanche, on peut se poser la question de savoir si le capital social est
gage des créanciers sociaux
16
ou si le droit de vote est un attribut des associés,
si le tracé des pouvoirs du Conseil d’administration et du Président directeur
général est si clair qu’on serait porté à le croire?
17
Avec l’AUSCGIE révisé, le législateur OHADA s’est inscrit dans une
dynamique d’ouverture voire de sensibilité aux autres systèmes juridiques
certes,
18
mais sans aller jusqu’au bout. Ainsi, si l’analyse des nouvelles
dispositions permet de comprendre la direction empruntée par le législateur
OHADA (première partie), des incertitudes demeurent néanmoins, d’où par
souci de cohérence, inciter le législateur OHADA à achever l’œuvre
entamée (deuxième partie).
Première partie: Les orientations affırmées
Le législateur OHADA a cherché à associer les travailleurs à la gestion et au
résultat de l’entreprise [A]. De plus, il s’oriente vers l’instauration de plus de
démocratie dans le fonctionnement de la société [B].
13
V.B. Oppetit, De la codif‌ication, D.1996, p. 33.
14
B. Bouloc, Remarques sur l’entrée en vigueur du droit nouveau des sociétés, dû à la loi
du 15 mai 2001, Mélanges Y. Guyon, Dalloz, 2003, p. 142.
15
P. Bissara, Interdépendance et coopération des organes sociaux de la société anonyme
classique, Mélanges Y. Guyon, p. 119.
16
V. B. Lecourt, Avenir du droit français des sociétés et droit européen, Revue des
sociétés 2/2004, p.251. Le législateur OHADA n’a pas permis comme en droit
français aux SARL d’émettre des obligations V. Sur cette question en droit français; B.
Saintourens, L’attractivité renforcée de la SARL après l’ordonnance n° 2004-274 du 25
mars 2004, Revue des sociétés 2/2004, p. 207.
17
V.Article 435 et 465 alinéa 3 AUSCGIE. Pour un auteur, [P. Bissara, Interdépen-
dance et coopération des organes sociaux de la société anonyme classique, Mélanges Y. Guyon,
op.cit., p.117], l’imprécision du vocabulaire renforce bien entendu le f‌lou des fron-
tières de compétences: quelles sont exactement les différences entre administration,
gestion et direction, et a laquelle de ces catégories appartient la notion de question
«intéressant la bonne marche de la société »?
18
Nous pensons au système de la common law et de la civil law notamment le droit
français.
JOURNAL OF COMPARATIVE LAW IN AFRICA VOL. 3, NO. 1, 2016116
© Juta and Company (Pty) Ltd

To continue reading

Request your trial

VLEX uses login cookies to provide you with a better browsing experience. If you click on 'Accept' or continue browsing this site we consider that you accept our cookie policy. ACCEPT