Les Enjeux de la flexibilisation des Règles des Sociètès Commerciales Dans L’auscgie Rèvisè

JurisdictionSouth Africa
Citation(2017) 4(1) Journal of Comparative Law in Africa 45
AuthorPatrice Samuel Aristide Badji
Published date16 August 2019
Pages45-85
Date16 August 2019
45
LES ENJEUX DE LA «FLEXIBILISATION» DES
RÈGLES DES SOCIÉTÉS COMMERCIALES
DANS L’AUSCGIE RÉVISÉ
PATRICE SAMUEL ARISTIDE BADJI
Agrégé des Facultés de droit/UCAD
Le législateur OHADA est entré de plein pied dans la mondialisation. À preuve,
la réforme intervenue en droit des sociétés commerciales. L’objectif est de rendre
attractif ce droit. C’est pourquoi on a recouru à la flexibilité qui, malgré ses vertus,
n’en présente pas moins des inconvénients.
Mots clés : OHADA
The OHADA legislator has fully committed itself to globalisation. Evidence
hereof is the reform undertaken in corporate law. The objective is to make this law
attractive. For this, we need greater flexibility, which, despite its virtues, does present
some drawbacks.
Keywords: OHADA
Selon un rythme qui s’apparente à celui de la marche forcée, le droit des
sociétés ne connaît aucune pause estivale dans les réformes qui l’affectent
depuis bien des années1. Cette opinion est également valable en droit
OHADA où le législateur «communautaire2» s’est livré à une véritable
réforme du droit des affaires. Du droit des sûretés, au droit des sociétés
commerciales en passant par le droit commercial général. Mais pourquoi
toute cette agitation réformatrice? Le maître mot est «l’attractivité». On ne
peut en effet faire semblant d’ignorer l’influence de l’analyse économique
du droit sur la législation OHADA3. L’analyse économique du droit,
contrairement au droit économique, suppose tentative d’appréhension du
droit par l’économie4. L’une de ses manifestations réside dans la publication
1 B. Saintourens, Les réformes du droit des sociétés par les lois du 26 juillet 2005 pour la confiance et la
modernisation de l’économie et du 2 août 2005 en faveur des petites et moyennes entreprises, Rev. Sociétés
2005. 527.
2 L’utilisation des guillemets se justifie par le fait que nous ne sommes pas convaincus que le
droit OHADA soit un droit communautaire. De notre point de vue, parmi les critères du droit
communautaire, il y a la consécration des libertés et l’existence d’un marché pertinent. Or, nous n’en
sommes pas encore là. Voir. P.G. Pougoué, Y.K. Elongo, Introduction critique au droit OHADA, Presses
universitaires d’Afrique, 2008 qui est du même avis.
3 Ce courant de pensée provient des États Unis du fait de la rencontre à l’Université de Chicago
des économistes et des juristes. Il a connu un défendeur dans le monde judiciaire en la personne
du juge Posner.
4 C. Jamin, Économie et droit, in Dictionnaire de la culture juridique, sous la direction de D.
Alland et S. Rials, P.U.F, 2003, P.580.
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annuelle des rapports Doing Business, qui donnent un classement des pays
où il est le plus facile de faire des affaires. Comme on peut le constater,
non seulement la méthodologie de classement, mais également les
conclusions des différents rapports n’emportent pas l’adhésion de tous.
Dans l’espace OHADA, comme en droit français, les réactions ne se sont
pas fait attendre. Mais, il semble que les esprits se sont calmés et qu’on s’est
rendu à l’évidence des effets de la mondialisation et de l’influence de plus
en plus grandissante du système juridique anglo-saxon sur celui romano-
germanique5. Toujours est-il que le législateur OHADA est à l’ère des
technologies d e l’information et de la communication. Cette démarche
n’est pas nouvelle car elle existait déjà en droit commercial général6. Avec
le nouvel Acte uniforme relatif au droit des sociétés, les TIC peuvent être
utilisées lors de la création, de la convocation aux assemblées générales,
de la prise de décision, et de l’appel public à l’épargne. On peut se référer
entre autres aux articles 133, 346 et 518 AUSCGIE.
Une autre question mérite d’être posée : la société commerciale :
contrat ou institution? C’est l’une des questions les plus controversées en
droit des sociétés et qui n’est d’ailleurs pas prête de trouver une réponse
définitive pour l’instant, à défaut d’être vue comme n’ayant qu’un intérêt
académique7. De quelque bord que l’on se trouve, on ne peut nier
l’évidence de la contractualisation du droit des sociétés commerciales,
discipline où règne l’ordre public sociétaire. On peut d’ailleurs faire
nôtre ces propos pertinents du Professeur C. Champaud: «il serait futile
et erroné de soutenir que les techniques contractuelles et même les
conventions sont exclues par essence du droit des sociétés. L’intégrisme
institutionnel comme l’activisme contractuel doivent également être
bannis de la pensée de ceux qui cherchent à comprendre des réalités
sociétales et des constructions juridiques complexes et non à pourfendre
et jeter des anathèmes au nom d’on ne sait quelles idéologies juridiques
« produits dérivés » de l’une ou l’autre de ces idéologiques qui font le
malheur des hommes au nom de l’organisation de leur bonheur collectif
ou individuel.
5 À t itre d’exemple, en 2012, les Ét ats membres de l’OHA DA ont accepté les recomma n-
dations v isées dans le rappo rt de cette année. D ans le rapport Doin g Business 2010, la Fran ce
a été class ée 31e sans contester bien sû r ce rang. Voir à ce propos A. Lie nard, Doing Busin ess
2010-Mener à bi en, des réformes en ce s temps difficile s, Dalloz Actua lité, 14 septembre 20 09.
6 V. T. P. Coudol, La révision de l’AUDCG: ouverture à la dématérialisation et aux échanges
électroniques sécurisés, Revue de l’Ersuma, numéro 4/ Septembre, 2014, P.332.
7 Voir J.P. Bertrel, Liberté contractuelle et sociétés, Essai d’une théorie du «juste milieu» en droit des
sociétés, RTDCom, 1996, P.595. De notre point de vue, la réponse à cette question varie en fonction
de la nature de la société mais également elle doit se faire au cas par cas puisque même la société
anonyme qu’on citait comme exemple d’institutionnalisation de la société comporte des aspects
contractuels. Que dire alors de la tendance à généraliser la présence des commissaires aux comptes
dans toutes les sociétés commerciales?
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COMMERCIALES DANS L’AUSCGIE RÉVISÉ 47
Non seulement le contrat n’est pas absent du droit des sociétés,
mais il y prolifère même jusqu’à organiser des sociétés contrats dans la
société entreprise8». La flexibilisation, notion dont la définition n’a pas
fait l’unanimité et ayant pour domaine de prédilection le droit social9,
renvoie non seulement à la liberté accordée aux associés d’organiser à
leur convenance le fonctionnement de leur société, mais également à la
marge de manœuvre dont bénéficient les États Parties en la matière10.
La « flexibilisation» renvoie également aux situations non prévues ou
non interdites expressément par la loi à telle enseigne que l’on puisse
invoquer l’application de l’adage «tout ce qui n’est pas interdit est permis». Il
s’agit d’atténuer un droit des sociétés jugé trop rigoureux par la pratique
notamment. C’est dire que l’ordre public sociétaire ne doit plus être vu
comme une citadelle imprenable. Il s’agit aussi bien d’un ordre public
de protection11 que de direction, car le bon fonctionnement des sociétés
est nécessaire à la prospérité de tous les citoyens12. La manifestation de la
«flexibilisation» des règles du droit des sociétés s’apprécie au regard des
expressions suivantes: «les statuts peuvent13», «sauf clause contraire des
statuts14», «si les statuts le prévoient15».
«Flexibiliser» signifie rejet de toute solution unique. Ainsi, on peut
remarquer qu’en matière de résolution des conflits, on a recours aux
modes alternatifs de règlement des différends.
Pointant du doigt la montée en puissance de l’arbitrage et des autres
MARC, un auteur a affirmé que le recours à l’arbitrage comme mode
de règlement des litiges commerciaux mentionné dans le Traité OHADA
est un signal fort à l’endroit des opérateurs économiques16. La mise
en place au sein de la CCJA d’un Centre d’arbitrage témoigne de la
volonté de l’OHADA d’aller dans le sens de l’histoire en accompagnant
les professionnels dans leur souci de recourir aux modes alternatifs de
8 Note sous (Par is 6 juill. 2004,Sté Civile Consultants Associés c/ Sté Harrison et Wolf), RTDCom,
2004, P.744.
9 P. Lokiec, Le discours sur la flexibilité, le droit du travail et l’emploi, Revue de droit du travail, 2006,
P.48; M.-A. Moreau, Évolution du droit du travail, flexibilités et cohésion sociale: vers la recherche
de nouvelles voies pour soutenir les restructurations et les transitions, in Flexibilité et cohésion
sociale, Colloque organisé par le Conseil de l’Europe, 17-18 novembre 2005.
10 La flexibilisation ne renvoie pas à l’existence de standards, notions à contenu variable tels que
l’intérêt social en présence desquels le juge a un pouvoir souverain d’appréciation.
11 Protection des tiers, des associés et des épargnants.
12 Y. Guyon, P.23, n°9.
13 Article 145 AUSCGIE à propos de l’attribution d’un premier dividende.
14 Article 54 AUSCGIE.
15 Article 133-2 AUSCGIE relativement à la prise en compte des participants à distance ou par
visioconférence pour le calcul du quorum ou de la majorité dans les assemblées.
16 M. A. Akué, Plaidoyer pour un espace OHADA plus attractif pour les investissements étrangers, in
colloque «La sécur isation des investissements des entreprises en Afrique francophone: le droit
OHADA», qui s’est tenu le 20mars 2009 au Centre de droit économique de la faculté de droit et
des sciences politiques de l’Université Paul-Cézanne d’Aix-en-Provence, Revue Lamy Droit civil,
2010, n°67 du 01/2010.
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